Dilemmes éthiques au travail : qu’est-ce qui nous pousse à la transgression?

Barbara Balfour | CPA Canada

Comment les CPA peuvent-ils rehausser la culture et le sens éthique dans les organisations où ils travaillent tout en améliorant la production des employés?

Vous avez des bouches à nourrir et une maison à payer. Maintenant, imaginez que votre emploi est en péril. Seriez-vous prêt à faire une entorse à vos valeurs éthiques pour conserver votre gagne-pain? C’est le type de situation dans laquelle nous pourrions tous nous retrouver et qui, selon une étude récente réalisée pour CPA Canada, est plus courante qu’on pourrait le croire. 

« Nous avons tendance à nous imaginer au-dessus de tout ça, mais il en faut moins qu’on le pense pour nous faire fléchir. Pas besoin de menaces de mort », soutient Brian Harward, chercheur et coauteur de l’article « Les systèmes d’éthique : Comment le professionnel comptable peut favoriser l’adoption de comportements adaptés ».

« Le simple fait de voir son emploi menacé suffit pour convaincre bien des gens, qui sont autrement de bonnes personnes, de s’écarter du droit chemin. Encore une fois, il n’est pas question de mauvaises personnes ici, juste de personnes comme vous et moi. » 

On parle beaucoup de la capacité qu’ont les professionnels comptables de prendre des décisions difficiles sous pression. Mais ce dont on parle moins souvent, c’est la façon dont les systèmes d’influence qui entourent les systèmes d’éthique peuvent atténuer ou accentuer la pression, selon l’organisation.  

Le chercheur a interviewé 14 figures du domaine pour explorer les défis auxquels les professionnels comptables doivent faire face de nos jours. Ces leaders d’opinion – des responsables de la gestion du risque, des représentants des autorités de réglementation et des universitaires – ont apporté leurs lumières au sujet des pressions et des mesures qui peuvent influencer les comportements éthiques sur le terrain.  

Alors, que peuvent faire les CPA pour rehausser la culture et le sens éthique dans les organisations où ils travaillent tout en améliorant la production des employés? Les travaux de Brian Harward concluent à la nécessité de cesser d’attribuer les défaillances à l’erreur humaine ou à des traits de caractère, et de plutôt créer des systèmes qui encouragent les gens à faire les bonnes choses et à prendre les bonnes décisions. Voici quelques-uns des conseils du chercheur : 

  • Créer, revoir et mettre en œuvre un code d’éthique clair. Il devrait définir des principes directeurs et établir une identité forte, comme le serment prêté par les médecins et les avocats, qui s’engagent à incarner des valeurs sacrées. Ce type de serment influence le comportement des professionnels au quotidien et fait en sorte qu’ils sont plus portés à prendre la parole quand ils sont témoins d’actes contraires à l’éthique. 
  • Inciter les employés à se créer des objectifs qui cadrent avec les valeurs et avec la raison d’être de l’organisation. Souvent, l’avancement professionnel passe par l’atteinte de cibles financières à court terme, et non par l’atteinte de résultats ou par la création de relations à long terme, ce qui peut pousser les gens à faire une entorse aux bonnes mœurs. 
  • Préparer les CPA en leur apprenant à négocier et à avoir des conversations difficiles. « Beaucoup des personnes à qui j’ai parlé ont dit qu’il était important de faire preuve d’assurance et de savoir tenir sa position, mais que ces compétences n’étaient pas enseignées dans les programmes de formation, explique Brian Harward. Bien des gens deviennent CPA parce qu’ils ont de bonnes compétences techniques, puis ils se retrouvent catapultés dans des postes à haute responsabilité. Ça peut être un choc pour eux de réaliser l’ampleur du pouvoir et de l’influence sociale et éthique qu’ils peuvent réellement exercer. » 
  • Nommer un responsable de l’éthique dans l’organisation. On évite ainsi que les employés se disent que « quelqu’un d’autre va s’en occuper », un état d’esprit qu’il n’est pas rare d’observer quand les responsabilités de chacun ne sont pas clairement définies. 
  • Établir des voies efficaces et sûres de dénonciation pour que les employés sentent qu’ils peuvent s’exprimer sans crainte de représailles, et que leurs commentaires seront vus comme un apport utile et non comme un désagrément. « Il est très important de se demander si les employés peuvent communiquer leurs préoccupations éthiques, explique le chercheur. Bien souvent, à cause de la culture de l’organisation, ils ne veulent pas faire de vagues. Peuvent-ils s’exprimer en réunion ou s’adresser à leur superviseur? Et s’ils parlent, à quelles conséquences s’exposent-ils? » 
  • Prêcher par l’exemple. Il faut que la culture que l’on présente aux employés cadre avec la manière dont les gens agissent au quotidien. La conduite de la direction devrait influencer celle de tous les autres membres de l’organisation, et servir de modèle pour ces derniers. « Si les employés sentent que les politiques officielles ne sont que de la poudre aux yeux et qu’on s’attend à ce qu’on les contourne, alors c’est ce qui va se produire », avertit Brian Harward. 
  • Se méfier des idées préconçues que l’on utilise parfois pour justifier de mauvaises décisions collectives. « Pourquoi changer ce qui fonctionne? C’est ce qu’on appelle l’inertie, explique le spécialiste, cette idée qu’il faut continuer à faire ce qu’on a toujours fait. Quand de nouvelles préoccupations émergent et que l’on continue à résister au changement, on s’expose à des ennuis juridiques ou à des dommages réputationnels. » 
  • Évaluer les comportements organisationnels dans une optique de gestion des risques. Un scandale pourrait-il éclater si les autorités découvraient ce qui se passe vraiment dans l’organisation ou si un employé révélait certains agissements au grand jour? « La réussite passe par une conduite éthique. Pour les personnes sans grande moralité, ce seul constat devrait les pousser à la droiture, ne serait-ce que par pur égoïsme, soutient le chercheur. Quand on vient décortiquer un scandale après-coup, on se rend souvent compte qu’il aurait pu être évité. Par exemple, si un dénonciateur avait senti qu’il pouvait faire part de ses préoccupations à un supérieur, l’affaire aurait pu être traitée en interne, ce qui aurait été beaucoup moins dommageable pour l’organisation. »